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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 21:47

Quand la grand-mère voit la moue de la petite fille, elle a un large rire, un rire de montagne qui se soulèverait; et elle tape encore plus fort sur les pauvres patates; et dandine ses fesses en fredonnant, parce qu’elle sait que d’habitude ça fait tellement rire Nine.

Et puis elle dit à sa petite fille des villes que la ferme est à cinq minutes, là, au bout du pré; et que la femme de Jean l’attend. Elle dit ça si doucement que Nine sourit .Mais elle traîne quand même les pieds en sortant de la large et trapue maison de bois couchée dans le champ. En marchant Nine écrase l’herbe qui crie et garde longtemps la trace grave, comme du mauvais sang séché, des pas qui l’ont froissée, qui ont déteint le givre feuilleté.

Depuis le pré Nine voit la ferme des Jean. C’est une maison de bois sans étage, recroquevillée sous ses lauzes entre deux énormes pentes de forêt coupée: rondins entassés, emboîtés les uns dans les autres, comme une couverture de maison contre les interminables mois de froidure.

L’ enfant s’enfonce sous le porche vermoulu qui sent l’étable, et où gèlent quelques rhododendrons morts et un bric-à-brac d’outils.

Elle toque timidement à la petite porte de bois, et la vieille peinture verte est pleine d’échardes.

Une dame sans âge et sans couleur lui ouvre; elle a un foulard serré sur sa tête. Elle met immédiatement un index sur sa bouche en regardant Nine, et lui dit: « Le père Jean dort, ne fais pas de bruit. » Nine, la bouche encore ouverte sur son nom et la phrase qu‘elle avait préparée, entre alors dans une pièce encombrée d’ombres et d’odeurs à mourir étouffée ; une pauvre pièce avec une énorme table de bois sur laquelle le Jean a appuyé ses bras pliés sous sa tête, tout près de l’épais petit verre de gnôle vide; et il ronfle.

Ca sent tellement fort l‘étable; et Nine entend des animaux remuer et se parler derrière la petite porte ronde à droite, derrière le dos rond de l’homme assommé sur la table. C’est comme si elles étaient là, les bêtes, à vivre avec les gens.

Nine n‘ose rien d‘autre qu’obéir à la femme; alors elle s’assied sur une chaise de paille, et laisse la femme lui nouer un torchon sur les épaules et tailler ses cheveux à grands coups de ciseaux; sans un mot.

En face de Nine il y a un vieux chat qui dort sur le rebord de la fenêtre au rideau jaune tiré sur l’ombre de la pièce. Tout autour de lui, un essaim de poussières dorées et silencieuses immobilisent l’air, comme de la tristesse.

A la fin la femme à Jean offre à Nine un verre blanc du lait encore tiède du pis de la vache aux lourds yeux tristes et humides.

Nine fait non avec sa tête.

Et maintenant elle court au milieu du puits du ciel qui perce le cercle des montagnes violacées; elle fuit vers les mains calleuses de Margueritte. Elle est comme l’enfant sans plus la lumière des enfants, tête basse et rasée; avec le froid qui peigne son crâne.

Aller très loin de la femme sans couleurs et du Père Jean qui ronfle encore sa gnôle; très loin de là où d’énormes bêtes recluses font plus de remue ménage et d‘odeurs que les gens.

Nine ne dira rien à Margueritte qui essore les frites.

Margueritte sait. Soupire. Se dit que décidément ce pays n’appartient qu’à ceux qu’il a engendrés.

Par la petite fenêtre de bois, tout là haut, le Dôme du Gouter est en train de cueillir une larme de soleil.

Ut le 27/02/09

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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 21:18

C’est un jour de vacances d’automne dans le petit village des Houches. La vallée s’imbibe doucement d’une lumière translucide et froide qui fond au fil des heures l’herbe lumineuse de givre, jusqu’à la transformer en boue rase; qui peint les mélèzes droits et pointus comme des glaçons de ciel; qui touche à peine les sapins des haies, en hibernation sous cape d’étoiles blanches.
Margueritte, la grand-mère, dit à Nine: « Aujourd’hui tu vas à la ferme des Jean te faire couper les cheveux ».

Nine a onze ans; elle n’est jamais allée à la ferme; elle boude un peu avec ses grands yeux noirs de reproches en regardant les lourdes mains de Margueritte frapper le torchon dans lequel elle a entortillé les patates toutes nues de leur peau.

Nine adore Margueritte, et ses cheveux blancs qu’elle noue en rond chignon sur son cou; et le vieux tablier gris qui ceint toujours son ventre à tant d’enfants, dont le nœud, derrière, retombe sur ses larges fesses. Margueritte est un constant mouvement, de tôt matin à jusqu’après souper. Elle est toujours avec un sourire quand ses yeux tombent sur Nine. On dirait que Nine l’illumine.

A suivre ... :)
Ut le 26/02/2009

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 21:03

Parvenir à prendre sa colère; toute cette colère de jours trop larges et de nuits trop étroites; la rouler comme un ballot… et la jeter enfin!..
Qu’elle se délite dans la poubelle des indifférences….

S’affranchir de cette chaîne qui lie la fatigue à l’envers de soi; aux yeux qui ne se regardent pas dans le métro; aux corps qui se heurtent sans même se retourner; aux mots qui fusent à un feu rouge trop appuyé; à une gifle qui cogne l’enfant bruyant; à un joint qui transforme pour l’heure la chaîne rouillée de fatigue en diamants hilares….

Donner aux jours l’aspect satin de toutes les minutes gagnées sur la maladie ou la mort, cette grappe noire qui nous balancera tous au bout du vide.


La colère frappe, et ça devient quotidien; comme la dose de fatigue en plus pour nier sa propre impuissance; en voiler la conscience.

Le temps ne fait plus l’écart suffisant à penser et mettre l‘âme au bord… Alors les yeux creusent leurs insomnies, ou les réveils brutaux de l’alarme qu’ordonne le boulot. Alors le corps ne sent plus que le chaud ou le froid, pour le vêtir… Les odeurs, les doux penchés de l’air au timide du printemps, le ciel qui saigne matin et soir.. On n’en a même pas le souvenir: le corps est aveugle.

Et tous les rires oubliés ont fini de morceler les couleurs au monde qui n’est plus qu’un amas gris.

Et tous les sourires perdus ont éteint la lumière des yeux.

Et toutes les larmes de l’humanité n’émeuvent même plus un seul dieu: dieu lui-même sert à tuer…
A venger la colère…..


…Parvenir à prendre sa colère; toute cette colère de jours trop larges et de nuits trop étroites; la rouler comme un ballot… et la jeter enfin……..!


Ut le 25/02/2009

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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 12:36

Lumière ricochet; lumière clin d’œil qui ride une grimace;
lumière en coup de fouet.

Lumière qui tarde son absence; ou qui s’étale toute pâle
au lait d’hiver.

Lumière, ors d’été, rires bombés, peaux sucrées.
Donner sa nuit à manger à hier;
Glisser loin des épaules la fourrure glacée de vent.
Ouvrir enfin l’iris rapetissé et se brûler au joyau ruisselant.
Mon âme a besoin d’été…. De la lumière ricochet;
De la lumière clin d’œil qui riderait ma grimace;
De la lumière comme un coup de fouet;
Pour teminer demain.


Ut le 22/02/2009

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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 08:58

Il fait vent, et ça fait comme une ombre qui cacherait le soleil. Et je me demande si la petite a bien calé le volet, pour qu’il ne dérange pas l’air de sa raclure qui finit toujours en gifles monstrueuses sur le mur de pierre.

Le vent affole la tête tout comme les branches des oliviers, ou la moindre poussière qui aurait oublié de s’enfouir loin dedans la terre.

Même si on croyait au printemps, voilà que Mistral entaille le pays de filins de glace. C’est l’ennemi ici, parce qu’il arrive à sa guise, dure le temps qu’il veut, se fait des niches jusqu’au plus profond des demeures. Les gens marchent de travers; les vieux grelottent leurs mains dans leurs manches; les oiseaux sont partis: le ciel est vide. Vide de vent; et ça fait comme une ombre qui cacherait le soleil.

Quand même, c’est pratique pour envoyer des bisous: pas besoin de mouiller le timbre sur l’enveloppe… mais bien sûr, c’est le vent qui choisira les destinataires… alors l’amitié se penche aux fenêtres, et attend; attend un frémissement, une fine écume qui remuera le cœur, loin, si loin du vent….


La petite a oublié d’enfermer le volet sur le mur; et le vent l’abrutit de fatigue. Demain il y aura une fine poussière brune et blanche dans l’air retombé, et le soleil rigolera dessus; tout chaud du bonheur d’être enfin débarrassé de ce détricoteur de printemps qui lui envole son or depuis des mois.


Vous l’avez reçu mon baiser?


Ut le 21/02/2009

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18 février 2009 3 18 /02 /février /2009 20:23

Ce matin

Tu sais quoi? Ce matin, alors que le ciel du jour à naître était encore blanc de froid; que les passants emmitouflés serraient leur chaleur sur leur corps, furtives ombres pointues; que les voitures étaient enfermées dans la buée humide de la nuit à faire mourir de froid les sans abris.... l’air trimbalait, toute mince et timide, à peine perceptible, cette espèce de langueur douce et molle et rose qui imbibe la respiration des printemps du Sud.

Les loupiotes jaunes de la ville n’éclairaient déjà plus rien: à l’est une écume de brume s’étirait dans un léger saignement, presque immédiatement lavé de bleu pâle… Et à travers la buée de ma bouche, je voyais le sol scintiller de dedans, comme déjà soyeux de soleil, de cette chaleur qui souvent le fait fondre au plus brûlant de l’été.

L’hiver des bourrasques comme des cheveux de glace à s‘infiltrer partout; l’hiver des cascades rageuses de toute l’eau gelée du ciel; l’hiver est à l’agonie.

Et mes mains gercées, et mes yeux en pleurs, larmes crissantes de froid, retrouvent d’un coup mémoire de la caresse du vrai temps à vivre, à respirer la lumière qui déshabillera les corps et bronzera les peaux blanches de toute cette glace qui a éteint tant et tant de jours gris.



Ce soir

Presque Feu Monsieur soleil fait le beau au raz d’une haie de poteaux, fils électriques, grues… enfin, décors ferrailleux, découpes d’ombres noires au-dessus de la ville.

Il nargue le ciel et tente de teindre tout l’espace d‘or brûlant; d‘inonder chaque aiguille d‘ombre.

Il brûle jusque dedans la tête, à raviver sans prévenir des souvenirs d’eau salée, de sable blond, de bien être anéantis de chaleur.

Presque Feu Monsieur Soleil est habitué aux louanges et adorations, et il ne se gêne pas pour pavaner sa splendeur partout.

… Sauf qu’il oublie que là, ce soir, il est à deux doigts de mourir dans une griffure de sang.

Sauf qu’il a déjà oublié comment l’eau a su l’éteindre…

Mais il fait semblant de rien, il aveugle même des copeaux de nuages, noirs dessus, cuivre dessous, qui eux n’ont pas compris que l’hiver est à l’agonie.

C’est la bataille du printemps à l’aube d’une nouvelle nuit qui finira encore plus tôt qu’hier, morte incendiée par presque Feu Monsieur Soleil.

Quand même, je trouve qu’il exagère avec sa queue de paon enguirlandée de couleurs, parce que ça y est, déjà il n’éclaire plus rien: le ciel s’est dégagé d’un coup de noir de ce collier un peu encombrant, et s’allonge tranquillement, doucement, presque perfidement sur ce qu’il reste de nuit à l’hiver.

Même la mer ne ressemble plus à de l’eau, mais à une barre rocheuse figée dans l’ombre des heures à sommeil; en perpétuels ourlets de silence.

Et paf, le soleil a pirouetté derrière l’univers, victime de toute cette ombre qui calfeutre si bien la lumière….

…Demain sera un autre éclat.. Ou pas… Mais sûr, on y va, vers l’été :)


Ut le 18/02/2009

 

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15 février 2009 7 15 /02 /février /2009 13:46

C’est vrai, ça. Après tout elle avait eu raison d’appeler les policiers; c’était bien à ce fils là de prendre soin d’elle, de veiller à ce qu’elle ait à manger; à remplacer l’époux mort de travail… enfin, au travail, mais pour Fatima c’était la même chose: son mari était mort du travail depuis trois ans.

Elle s’était retrouvée seule dans l’appartement HLM avec le petit dernier de vingt quatre ans. La pension du mari mort servait à payer le loyer; alors le RMI du plus jeune, il lui en devait bien quelques sous!

Les deux autres garçons, ils étaient mariés; ils avaient des enfants. Quand à ses deux filles, ce n’était pas leur rôle…

Fatima parlait comme ça aux deux bleus qui étaient dans l’entrée.

Eux ils ne comprenaient pas tout, parce qu’elle mélangeait les mots arabes aux mots français dans une bouche sans dents. Mais bien sûr elle ne s’en rendait pas compte; et elle les trouvait impressionnants ces bleus, avec leurs gants noirs et cette grande matraque dure à la main. Surtout le garçon: il était grand, sec, blond, froid. La fille, un peu vieille déjà, avait un sourire et des yeux; c’était pas pareil.

Mais c’était le garçon qui avait poussé Fatima dans la cuisine pendant que la fille s’enfermait avec le fils dans la petite chambre du fond.

En fait, elle n’avait pas pensé que ça pouvait être ça la police.

Fatima n‘avait pas l‘expérience du dehors. Ses filles venaient tous les jours, et lui tenaient compagnie; mais on ne parlait rien que des petits enfants et des problèmes de famille; et de ce fils là à elle, bien sûr.

Quand elle se rappelait, Fatima se souvenait d’un enfant brun, doux, et silencieux.

C’était plus tard qu’un jour il était rentré ivre à la maison. Ca n’avait pas plu au père, le père secoué par le travail, et le gosse avait reçu sa colère. Il n’en avait jamais parlé; en fait, il s‘était définitivement tu, le dernier; et il n’était plus allé au lycée; et il rentrait souvent au milieu de la nuit, essayant d’éviter le père.

Et puis il y avait eu ce bel après-midi d‘été, alors que le père était à suer le travail, et que ce gosse dormait dans la chambre: Fatima était entrée, juste pour ranger un peu de linge propre… et l’enfant était là, une aiguille dans le bras, avec la mort ébahie dans ses yeux.

Quand il avait vu sa mère, sa bouche tordue avait gargouillé, et elle avait fini par comprendre: « vas t’en! »

Fatima n’avait rien dit au mari. Rien dit à personne.

Fatima avait oublié. Très vite.

Tout comme elle avait oublié sa vie, très jeune, quand on l’avait mariée au mari mort maintenant. Oublier la vie et le temps qu’elle ne pouvait pas donner aux enfants qui arrivaient dans son ventre les uns après les autres. Le quotidien c’était d’abord le mari; après il y avait la maison et le manger; ensuite les gosses. Le mari s’occupait de leur éducation; elle s’occupait du manger et du linge.

Et maintenant le petit dernier était enfermé dans sa chambre avec la femme de la police; et l’homme de la police lui posait plein de questions à elle. Fallait répondre.

Fatima s’était recroquevillée sous son foulard, et ses vieilles mains tremblaient. Elle avait essayé d’expliquer que le fils avait frappé; qu’elle voulait juste un peu du RMI.

Oui Monsieur le policier, il a déjà eu des ennuis avec la police. Il s’est battu avec la police, il paraît; ses filles lui avaient dit qu’il avait envoyé cinq policiers à l’hôpital.

Fatima n’a pas compris, mais alors elle a vu l’homme policier se précipiter dans la chambre fermée; elle a entendu la femme policier dire « Je ne crains rien. Monsieur et moi discutons. Il fait sa valise, tu vois. Il s’en va. Il va laisser la mère tranquille. »

Mais l’homme policier n’avait rien voulu entendre et avait poussé sa partenaire dehors; tout juste comme ses filles à elle arrivaient, alerté par les jeunes du bloc, sûrement.

Et le petit appartement s’était vidé de la police après un dernier sourire de la femme policier qui lui disait de ne pas hésiter à venir déposer plainte contre le fils; de ne pas se laisser faire.

Les deux filles criaient après leur frère.


Dehors les flics avaient attendu de voir partir le junkie, une valise marron à la main.

Puis ils étaient rentrés au poste, rendre compte de la mission.


C’était une semaine plus tard qu’ils avaient de nouveau rencontré le junkie, sur une bagarre devant un bar.

Ils étaient à quatre flics.

Le grand blond flic et la plus vieille avaient tout de suite reconnu le mec; malgré que ce jour là il était couvert de piercings et de chaînes, et qu’il avait le visage coupé de profondes striures raides; comme des rides qui n’auraient pas eu besoin de temps pour exhiber la douleur.

Le junkie avait lâché l’autre, celui qui lui avait pris sa dose, quand il avait vu le regard de la femme flic. Et alors ce regard avait changé, et elle l’avait pris à part; elle avait un sourire et lui demandait comment allait la mère.

L’enfant mauvaisement grandi avait bredouillé qu’elle allait bien, et puis il s’était enfui après que les autres flics l’ait fouillé et rien trouvé.

Fuir les yeux et le sourire qui remontaient l’enfance au bord du cœur flétri… Fuir la vie….

Le VIH allait l’aider…

Ut le 15/02/2009

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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 21:11

Deux jeunes, presque encore enfants, marchaient sous leurs lourds sacs à dos.

La nationale était vide et souriante, mais ça ils ne le voyaient pas: ils étaient ahuris du manque de sommeil de nourriture et d’eau.

Ils n’entendaient même pas le bruit que faisaient leurs pas sur la frontière caillouteuse de l’asphalte.

Et puis d’un coup une voiture anonyme s’était arrêtée juste devant eux, et un homme maigre et rarement blond leur avait demandé s’il pouvait les conduire un bout de chemin.

La fille avait regardé son compagnon de route… il était encore hagard de ce qu’elle lui avait imposé quelques heures plutôt: planter sa seringue à bonheurs dans l’écorce d’un petit arbre. et reprendre la marche, complètement seul, sans plus aucun rêve synthétique pour combler la misère.

Il avait dit Oui au chauffeur, et les jeunes s’étaient installés dans la voiture.

Rien: ils avaient roulé dans le vide, comme si l’humain qui conduisait était creux, du bout maigre de ses cheveux à l’ombre des orbites, à l’aigu des genoux qui cachaient les pédales.

Le junkie était à l’avant, la jeune-fille à l’arrière.

Le mec parlait sans rien dire.

A la nuit il avait arrêté la voiture devant un motel, et avait invité les deux jeunes à manger avec lui.

Pendant le repas il leur avait dit qu’il partagerait sa chambre.

La fille ne voulait pas: elle avait peur de ce mec qui ne trimbalait même pas un rayon d’âme avec lui.

Le jeune-homme avait trop besoin du suicide du sommeil pour refuser.

Alors ils s’étaient retrouvés tous les trois dans une minuscule chambre d’hôtel qui sentait le lino. Dans le coin droit, tout contre la porte, il y avait un lit pour une seule personne. En face du lit, une salle d’eau. Au bout du lit une fenêtre.

L’homme s’était allongé tout habillé. Il parlait au junkie assis sur le bord du lit.

La fille s’était posée sur le large et froid rebord intérieur de la fenêtre, le regard accroché au rideau fermé, tous ses sens aux aguets.

Quand le mec était allé prendre une douche, elle avait dit au junkie qu’il fallait partir. Il avait essayé de sourire, n’y était pas arrivé à cause des gerçures sur ses lèvres, et s’était pelotonné sans répondre.

La fille avait de nouveau regardé un point jaune du rideau qui sentait la poussière rance; elle attendait que le malheur tombe.

Et des bruits comme une lutte silencieuse; et la fille qui se retourne. D’abord elle n’avait vu que les yeux perdus du junkie, grands ouverts sur l’absurde: le mec vide était en train de le sodomiser.

La fille avait fermé les yeux sur l’horreur, ramassé ses jambes sous elle… elle n’avait même pas été capable de prier.

Plus tard il y avait eu le bruit indécent du vomi; de la chasse d’eau.

Avant de complètement s’arrondir sur ses jambes et enfin fermer les yeux, elle avait vaguement aperçu le couple endormi sur le lit: le mec entortillé dans les draps; le jeune en boule à ses pieds, à peine dévêtu.

Et puis ça avait été le jour, et le mec qui leur disait de ficher le camp.

Dehors il pleuvait.

Longtemps ils avait marché sans se dire.

Quand la parole était revenue, le junkie bégayait.

Ut le 10/02/2009

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7 février 2009 6 07 /02 /février /2009 07:57

La petite salle était encore sombre , fermée sur l’extérieur. Antoine s’échauffait, pliait, dépliait, vite et fort; pesait sur ses membres, son dos, sa nuque.

De temps en temps son regard accrochait la flèche d’argent que faisait la barre posée sur l’épais caoutchouc noir qui recouvrait le sol; on aurait dit qu’elle était assoupie, presque à l’affut de l’entraînement à venir. Hermétique: Antoine ne savait pas qui allait gagner d’elle ou de lui, aujourd’hui.

Antoine accroupi, en balance sur ses genoux pour les préparer aux charges à relever tout à l‘heure, se détendit, rapide et souple. Il s’approcha du bac de plastique orange posé sur un pied de ferraille près de la porte close, et frotta ses deux mains au bloc de magnésie qui s’y effritait. Puis il s’approcha de la barre pour la faire tourner d‘un doigt, machinalement, comme il faisait toujours avant de se lier avec elle. L’alliage glissa sans bruit à l’intérieur des deux manchons plus épais de ses extrémités; et une trace blanche de magnésie lui faisait maintenant comme un tatouage: la marque d’Antoine. Et bientôt elle serait recouverte de craie; ou même de sang, si les cals sur les paumes d’Antoine cédaient à l’effort.

Alors Antoine s’accroupit au-dessus d‘elle, écarta les bras tendus, et verrouilla ses doigts sur les parties granuleuses à pas glisser des mains.

Il commença ses gammes, souple et nerveux, en séries de trois arrachés: il chargeait la barre avec deux poids de cinq kilos; puis il frottait ses paumes de craie; puis il recommençait; presque sans pause, uniquement attentif aux sensations de son corps; échos du travail accompli, de l’approche de la perfection, muscle à muscle; entraînement après entraînement; année après année; jusqu’à maintenant et là.

La barre était encore raide et froide, mais aujourd’hui elle obéissait bien, et Antoine savourait chaque arraché: d’abord plié sur ses genoux, le dos tendu au-dessus de la barre, les mains en étau autour d’elle… et puis la glisser jusqu’aux genoux par la seule puissance de son dos, de ses cuisses; puis engager les genoux sous la barre et sauter, la laisser filer tout contre le corps jusqu‘à la cueillir enfin au creux des paumes et l’aider à s’exhiber au bout de ses bras tendus; la tête droite; les fesses à ras du sol; le regard loin dans la concentration, dans la finition. Alors il se relevait avec les cuisses, la barre en trophée au-dessus de la tête.

A cent kilos de poids, Antoine commença à se concentrer avant chaque mouvement, quelques longues secondes accroupi au-dessus de la charge, à dessiner mentalement tous les mouvements du corps pour que l’arraché soit félin, presque sans effort, comme un envol.

Antoine était seul dans la petite salle sombre, et l’instant heureux tenait en équilibre sur une barre d’haltérophilie.


Ut le 07/02/2009

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5 février 2009 4 05 /02 /février /2009 20:10

C'est quoi ça? Je viens de zapper de TF1 à France2, à M6: Sarko partout; même programme, même pensée juste avant d'aller dormir?
Ca ne s'appelle pas un lavage de cerveau ça?
On n'en a pas déjà entendu parler du temps d'un certain Furher?
M'enfin, c'est quand qu'on se bouge?
Museler les porte-monnaies et les pensées... et la France se laisserait faire???????????

 

comme ça, ou comme ça, ou comme ça, ou comme ça........

 Olah! bonne gens, on se réveille??????????

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