Henri de Toulouse-Lautrec
Il y avait Claire, qu'un client d'une nuit avinée avait prise pour la Vierge, avec sa robe blanche ses boucles noires sur ses épaules rondes, et ses yeux bleus ingénus. Tout fardés d'ingénu.
Il y avait Françoise, qui avait un vrai métier : infirmière!... Elle avait un vrai bébé aussi ; et quelques fois elle arrivait en retard et sentait encore le lait maternel.
Elle seule avait le droit d'occuper la piste de danse pour appâter.
Les autres, Marie s'en souvient moins : des maigres qui s'interchangeaient d'une nuit sur l'autre...
Ah oui, il y avait eu une black! Une magnifique black avec laquelle elle avait pris le café-croissant au matin Paris d'une terrasse vide et froide : la fille n'avait pas voulu aller boire ce café seule avec le client qui ne la lâchait plus et qui lui demandait tout le temps de lui refaire ce qu'elle lui avait fait avec ses ongles, dans la boîte....
Finalement il l'avait laissée partir... Enfin, Marie n'avait plus revu la fille black non plus.
Il y avait eu un petit mec avec une valise pleine de fric. Il faisait croire aux filles....... et son zizi ne lui servait à rien : il était planqué dans la valise...
Il y avait eu un jeune légionnaire (oui, c'est pas des blagues : ça existe les légionnaires qu'on fait boire dans les boîtes à « hôtesses »). Il avait beaucoup parlé à Marie... mais elle commençait à s'habituer à ce boulot, alors elle ne l'avait pas écouté... et il lui avait commandé plein de bouteilles qu'il n'avait jamais bues....
D'ailleurs quand on arrivait au bas des marches, derrière le rideau rouge ça sentait, pauvres plantes ou pauvre moquette pourrissant de tant d'alcool déversé en catimini par les filles. Elles restaient sobres les filles, toujours. Faut être vigilante quand on travaille la nuit à la capitale.
Et il y avait le patron : un jeune et bellâtre gars brun, qui organisait des partouses pour les filles qui lui avaient fait gagner beaucoup d'argent un soir ou un autre.
Certainement la première partie d'un proxénétisme futur.
D'ailleurs c'était lui qui à l'aube, décidait quelles filles reviendraient le soir ou pas...
Il n'avait jamais eu à demander à Marie de ne pas revenir :
Un matin il l'avait baisé sur un lit de camp dans l'arrière salle. Et Marie avait dit qu'elle n'était pas intéressée par les partouses.
Il était parti.
Marie était rentrée avec le premier métro pour réveiller les enfants à l'heure de l'école.
Souvent dans son soutient gorge il y avait plein de billets, et les enfants n'avaient pas faim en ce temps là.
Ut le 25/12/2010.